Antiques parodies

Photo: Nicolas Guéguen
Photo: Nicolas Guéguen

 

On peut bien entendu être vieux à trente ans. Parfois bien avant. Je me souviens au lycée de ces gonzesses qui, dès qu’elles se croyaient à l’abri des oreilles indiscrètes, se répandaient en lieux communs et autres niaiseries relatives à leur avenir. L’une se voyait assistante sociale, l’autre infirmière, telle autre biologiste, ingénieur… Bref, professionnellement casées, vite fait bien fait et, tant qu’à faire, en se donnant une image d’utilité, d’acceptabilité sociale.... Quant à la féminité, l’affaire était tout aussi clairement entendue (inutile de réfléchir, car ce serait encourir le risque d’un déroutant fléchissement) ; des enfants à soi, façon bien commode de prouver à un autrui fictif (et à un soi tout aussi fictif) que l’on possède une identité identifiable et indéniable ; le terrain commun, terrain d’entente bas de gamme, intergénérationnel… Bref, avant même de s’être construites, avant même de songer à y songer, il était décidé qu’elles seraient mères, copies relookées de leurs propres mamans, brandissant néanmoins encore un temps l’imbécile étendard générationnel (d’invention commerciale), afin de se donner des airs de fraîcheur et de santé d’esprit. Mais toutes étaient déjà vieilles, mûres à souhait pour une précoce, confortable et rassurante retraite mentale. Côté garçon, le tableau n’était en rien plus brillant. Du vioque, rien que du vioque, dans leurs aspirations, leur bassesse… Je me souviens en particulier de ces petits mecs infatués et grégaires se voyant pourtant neufs et singuliers, prêts à livrer bataille pour la gloire des gloires : la compétition sociale. Pour être prêts, ils l’étaient, depuis le début, c'est-à-dire bien avant leur naissance, avant même l’apparition de la plus élémentaire forme de vie... Que les premiers résultats de cette compétition se matérialisassent par tel diplôme, tels symboles (de jolis corps à nos côtés, de futiles et coûteux objets manipulés d’un air blasé), en cette jeunesse je voyais les anciennes jeunesses, l’ensemble des jeunesses déterminées à reproduire les antiques parodies de parades animales. Ou : quand le domaine culturel légitime le naturel dans ce qu’il a de plus vulgaire. Façon de voir de l’Humain, là où il n’y a qu’exacerbation et travestissement de l’animalité (et tout ce que cela implique en matière de déterminations et d’encagements physiques et mentaux). Bref, la même putain de chanson que nous étions censés trouver drôle et plaisante, sauf à vouloir passer pour des malades.

 

A.G